Le café…

Tout le monde me demande si je veux un ou deux sucres dans mon café, mais personne ne me demande si je veux du café. On suppose que je veux en boire, puisqu’il semblerait que tout le monde veuille du café. Enfin, c’est ce que la plupart des gens disent. Soit cela est erroné, soit je ne suis pas tout le monde. Je me souviens pourtant avoir lu d’autres personnes partageant le même point de vue que moi sur le café.

Si alors je dis que je ne veux pas de café, on me répond que c’est vrai, il y a aussi les nouvelles boissons à la mode à base de café, les cafés froids avec du chocolat et de la chantilly. Il paraît inconcevable que je ne veuille pas de café.

On me dit souvent que je voudrai boire un café tôt ou tard. Ou que je regretterai de ne pas en avoir bu, quand la fatigue se fera sentir et que j’aurai besoin de caféine. J’y pense un instant, puis finis par me dire que cela est bien machiavélique. Je pense également à ce que quelqu’un a écrit récemment, au sujet de l’incertitude des choses, et que le jour où j’aurai potentiellement besoin de caféine, le café aura peut être déjà fermé ses portes depuis bien longtemps. Je me rends alors compte que ce bourrage de crâne n’est pas ce que je veux.

De manière générale, je ne sais pas vraiment ce que je veux, mais je sais ce dont je ne veux pas. Je regarde the Ay, d’un air de dire “Tu veux du café, toi ?”, il me fait non de la tête, sans plus y réfléchir.

Une personne, sans doute bien intentionnée, voyant que je n’ai pas de café, demande à plusieurs personnes aux alentours s’il n’ont pas un café pour moi. Une certaine gêne s’installe, mais ce n’est pas mon problème, après tout.

Des vautours posés non loin de là se mettent à ricaner. Ce sont ces vautours qui écoutent toujours les conversations des autres, cachés derrière les fenêtres. Ils n’aiment pas les gens. Je serais tentée de dire “les gens comme moi”, mais je pense qu’ils n’aiment pas les gens tout court.

– Elle n’a sans doute pas de cafetière chez elle !, se moque l’un des vautours.

Je ne vois pas en quoi ne pas avoir de cafetière est sujet à moquerie. Je dois bien en avoir une quelque part chez moi, là n’est pas le problème.

Si j’ai bien une cafetière, ai-je bien le choix de ne pas vouloir de café ?

– Il doit y avoir une raison, se disent certains.

Sans doute. Suis-je censée faire un exposé d’une heure avec power points pour que l’on cesse de me parler de café ?

Tout autour, il y a des affiches sur lesquelles sont écrits des slogans tels que “Le café, c’est bon !”, “Depuis que je bois du café, ma vie a changé !”, “Sans café, ma journée reste incomplète !”.

Je vous avouerais que jamais l’idée de boire un café ne me traverse l’esprit. Jamais je ne me dis “Tiens, c’est dommage qu’il n’y ait pas de café, ici !”.

Le café est pour moi synonyme d’amertume. Je n’aime pas spécialement son odeur, non plus. C’est comme ça, c’est tout.

– Et si le café n’était pas amer, en voudrais-tu ?, me demande-t-on.

– Et si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle, pensais-je.

Alors que la discussion semble enfin porter sur un autre sujet, voilà que la serveuse revient.

– Et votre macaron, vous le voulez à la fraise ou à l’abricot ?